L’A.M.I. est-il l’ami de Combrée !
Dans un rapport de 2017 concernant les comptes et la gestion des services de la présidence de la République, les magistrats de la Cour des comptes soulignaient « la nécessité de mener à bien les travaux de la conservation du patrimoine immobilier, au risque que celui-ci continue de se dégrader et que les coûts de sa restauration soient augmentés par rapport à ceux d’une action préventive et curative ».
En résumé, ne pas entretenir le patrimoine est un « crime », et plus on attend, plus les travaux coûteront cher[1].
Il serait évidemment pour le moins incongru de comparer le palais de l’Élysée à notre « brillant palais de l’éducation chrétienne »[2] mais les justes réflexions des sages de la rue Cambon ne s’appliquent-elles pas à tout monument, qu’il soit emblématique de notre territoire national ou régional ?
Or, nous savons que, depuis la funeste année de sa fermeture en 2005, le collège de Combrée appartient à la société 2IDE, filiale de l’EPIDE et de la Caisse des dépôts : autrement dit, via ces véhicules juridiques, Combrée appartient à l’État. C’est d’ailleurs pourquoi, ces dernières années, la Cour des comptes – toujours elle ! – a eu à se pencher sur la gestion du parc immobilier de l’EPIDE. Et c’est pourquoi aujourd’hui, au moment de transmettre ce patrimoine qui nous est affectivement très cher, 2IDE vient de lancer, le 1er juin 2022, un Appel à Manifestation d’Intérêt (A.M.I.) dont le délai, particulièrement bref, pour candidater expirera fin septembre.
Pourtant, à la suite de sa demande de janvier 2020 de trouver dans les deux ans un repreneur, l’Amicale s’était évertuée à lui présenter, grâce à nos amis Jean de Fouquières et Bernard Olivier, avec le soutien de l’Association de sauvegarde et de mise en valeur du collège de Combrée, un projet d’École Internationale pour Combrée.
De mauvaises langues ont pu penser que c’est parce que ce projet ambitieux et structuré n’avait pas l’heur de plaire au vendeur que ce dernier avait fini pas lancer un A.M.I. Nous ne le croyons pas : c’est la propriété de factoétatique de l’ancien collège qui commande cette sorte d’appel à projets qui nous était d’ailleurs annoncé depuis février 2021.
Mais maintenant que cet A.M.I. est lancé, il nous pose une première difficulté. Non pas que le cahier des charges soit antinomique avec le projet d’École Internationale qui remplit d’ores et déjà la plupart des critères de sélection, mais parce que, depuis plus de deux ans, l’Amicale avait fait le choix de communiquer, en toute transparence à l’égard de ses adhérents et sympathisants, sur le devenir de Combrée. Or, l’A.M.I. contient ce que les juristes appellent une clause « bâillon » qui interdit à tout porteur de projet de communiquer sur sa candidature durant la procédure de sélection qui s’achèvera en novembre prochain …
C’est pourquoi, vous ne pourrez trouver dans ce Bulletin aucune nouvelle de l’état d’avancement du projet d’École Internationale pour Combrée ; c’est pourquoi, nous n’avons pas le droit de vous informer de l’intention des initiateurs de ce projet de concourir ou non à l’A.M.I. ; c’est pourquoi, nous ne pourrons en débattre qu’à huit-clos lors de notre assemblée générale du 17 septembre prochain qui ne sera donc réservée qu’à nos adhérents.
Pourtant, alors qu’elle se tiendra lors des Journées Européennes du Patrimoine, nous aurions aimé avoir l’occasion de comparer les différents projets – car nous savons que quelques visites du site par d’autres opérateurs se sont déjà déroulées – afin de nous assurer que, quel que soit celui qui pourrait être in fine retenu, il préservera l’âme du collège et respectera ceux qui y ont étudié dans leur jeunesse.
J’avais en effet soutenu, dans mon premier éditorial de président de juin 2019, que notre association, si elle avait certes perdu tout droit patrimonial sur Combrée, en restait néanmoins titulaire d’un véritable droit moral, justifié à mon sens par près de 132 années d’existence de notre association et par le fait qu’elle continue de rassembler les souvenirs de ceux qui y ont vécu.
Je maintiens cette assertion car, comme notre Président de la République nouvellement réélu, je « plaide que la préservation du patrimoine est un devoir »[3].
Or, s’il y a la préservation du patrimoine immobilier - et le cahier des charges de l’A.M.I. nous apparaît rassurant car exigeant sur ce point -, il existe également celle du patrimoine immatériel composé notamment de la mémoire des lieux dont nous sommes les gardiens. C’est ainsi que les initiateurs du projet d’École Internationale que nous avons trouvés ont eu l’intelligence, dès le départ, de nous associer étroitement à leurs réflexions sur le devenir du collège et à l’élaboration de leur projet pour qu’il puisse s’inscrire dans la continuité de l’histoire des bâtiments.
Une autre difficulté résulte du délai de libération des lieux par l’EPIDE, initialement prévue pour 2022, mais encore retardée à 2024. Or, la restauration du collège nécessiterait un an d’études et de diagnostics divers, puis au moins deux de travaux, ce qui nous porte au mieux à 2027… Et pendant ce temps, notre vieux collège « abandonné » continue de se dégrader !
Alors cet A.M.I. est-il l’ami du collège ? Réponse en fin d’année 2022.
D’ici là, passez de bonnes vacances et retrouverons-nous le 17 septembre pour la Fête des anciens.
(Cf . bulletin d’inscription ici).
Loïc Dusseau (c.1984), président
[1] Julie Marie-Leconte, L’Élysée, visite privée, éd. L’Archipel - France Info, mars 2022, p. 159
[2] Formule attribuée à Mgr Dupanloup, membre de l’Académie française, lors de l’inauguration du nouveau collège le 27 juillet 1858.
[3] L’Elysée, visite privée, op. cit., p. 167